Les forêts cinéraires vont se multiplier en France

Arbas 1Ce sont des sépultures toutes simples, au beau milieu de la forêt : un arbre
et une petite plaque de bois portant le nom du défunt. Et au pied du sapin,
du chêne ou du frêne, l’urne funéraire déposée en pleine terre.
A la fois écologiques et chargées de sens, les forêts cinéraires s’affirment depuis
plusieurs années comme des alternatives prometteuses à la dispersion des
cendres et au cimetière classique. C’est déjà le cas en Allemagne et en Suisse,
au Luxembourg et en Belgique.

Ces espaces funéraires d’un nouveau genre séduisent également les Français,
mais le cadre législatif national rend leur création plus difficile. Une première forêt
cinéraire a vu le jour, en mars 2020, à Arbas, une petite commune pyrénéenne,
mais a dû interrompre provisoirement les dépôts d’urnes suite à un blocage
juridique. Ailleurs, plusieurs associations, notamment Au-delà des racines,
à Strasbourg, s’activent pour convaincre des municipalités d’adopter cette solution.
Malgré les obstacles, les forêts funéraires ne vont pas manquer de se répandre
en France : partout où elles existent, de nombreuses familles se les approprient, ainsi que les rites
qu’elles occasionnent.

► La première expérience de forêt cinéraire en France est due à l’initiative d’Elia Conte-Douette, une consultante en développement durable en région toulousaine, qui a convaincu la petite commune d’Arbas, en Haute-Garonne, de consacrer une parcelle d’un peu plus d’un hectare au dépôt d’urnes funéraires. Plus de deux années ont été nécessaires pour finaliser le projet, le temps d’étudier sa faisabilité, d'entraîner la mairie avec elle, de trouver le terrain adéquat et, enfin, d'obtenir les autorisations préfectorale.
"En mars 2020, nous avons pu procéder aux premiers dépôts d'urnes, raconte la jeune
femme, et à ce jour, une vingtaine de défunts ont trouvé dans la forêt d’Arbas leur dernière demeure. » Malheureusement, les dépôts ont dû être interrompus
en novembre, suite à la décision de la sous-préfecture de Saint-Gaudens de retirer l’autorisation qu’elle avait
précédemment accordée. « Nous ne voulons pas nous mettre en infraction, explique Elia Conte-Douette, donc
nous avons provisoirement tout arrêté, le temps de sécuriser les conditions juridiques. » Avec regret, bien sûr,
sachant que des personnes décédées ont exprimé leur volonté de reposer dans cet espace funéraire.
Ce contre-temps n'empêche pas le concept de la forêt cinéraire de faire son chemin, dès lors que celle-ci est
gérée sous la responsabilité des communes, au même titre que les cimetières par exemple. C'est pourquoi Elia
Conte-Douette poursuit son combat : avec
son cabinet de conseil en développement durable Taoma, elle aide
d’autres municipalités à
monter des projets de forêts cinéraires. En parallèle, sa structure funéraire Cime’Tree
accompagne ces municipalités pour rédiger leur charte d’engagement - respect des lieux, urnes biodégradables,
uniformité des plaques d’identification…

« En tant qu’opératrice funéraire, j’ai signé cette charte avec la commune d’Arbas et c’est moi qui emmène l’urne
et les familles dans la forêt, explique-t-elle. Mais tout autre agent funéraire qui s’engage à signer cette charte de valeurs
peut remplir ce rôle, de la même façon qu’il s’occupe d’emmener un cercueil au cimetière. » En janvier 2021, Arbas
était toujours dans l'attente d'une nouvelle autorisation de la sous-préfecture, mais, selon Elia Conte-Douette, quatre
autres communes en France sont très avancées dans un projet de forêt cinéraire et n'attendent, elles aussi, que ce
déblocage des incertitudes juridiques pour se lancer.

L'abre pour veiller sur nos défunts. A Strasbourg, c'est une association, Au-delà des racines, qui poursuit le même objectif. Proches de l'Allemagne, où les forêts funéraires existent depuis une vingtaine d'années, les Alsaciens
connaissent bien ce concept. Mais ici comme partout ailleurs dans le pays, seules les mairies sont habilitées à gérer
les lieux de sépulture. "C'est pourquoi notre associatoin s'est mobilisée, afin de faire connaître cette alternative aux
maires, explique la bénévole Marie-Ange Humm. Notre rôle consiste avant tout à leur communiquer toutes les
informations, mais surtout à leur donner l’envie d’ouvrir ce type d’espace funéraire dans leur commune. »
19 1105 alsace 20 11 1Très attachée la symbolique de l’arbre, l’association préfère parler de forêt
sanctuaire. Pour elle, le projet d’espace cinéraire est indissolublement lié
à un projet écologique, celui de la préservation des espaces naturels.
« L’arbre n’a pas de mort programmée, explique Marie-Ange Humm.
Si l’on veut qu’il puisse accomplir sa vocation d’être vivant quasi éternel,
il faut le sacraliser. On peut le faire en lui donnant cette mission de veiller
sur la mémoire de nos défunts. »
Au-delà des arbres, même si elle est proche d’autres associations impliquées elles aussi dans les rites funéraires
comme Maintenant l’après, qui poursuit actuellement un projet de coopérative de pompes funèbres, n’a pas vocation
à devenir elle-même un acteur opérationnel. « Nous nous voyons plutôt comme les garants des valeurs que nous
défendons, lorsque les projets se concrétiseront », précise encore Marie-Ange Humm.
Ce qui pourrait être le cas dans les mois et les années qui viennent : plusieurs communes de la région ont d’ores et déjà
fait connaître leur intérêt pour les forêts cinéraires.

Voir le site de Cime'Tree
Voir le site de l'association Au-delà des Racines

L'arbre dans les cultures funéraires

Déjà 200 forêts cinéraires en Allemagne
C'est près de la ville de Kassel, au cœur de l'Allemagne, que la première forêt cinéraire a été créée,
en 2001. Depuis, cette formule rencontre un succès grandissant, puisqu'on en dénombre environ
deux cents dans tout le pays. Contrairement à ce qui se passe en France ou en Belgique, où les premières

initiatives sont dues à des particuliers ou à des associations, le développement et la gestion des forêts cinéraires
en Allemagne sont assurés essentiellement par deux entreprises, Friedwald et Ruheforst.
Dans ces "cimetières", les familles ont la possibilité de choisir un emplacement individuel
ou collectif, mais aussi de faire planter l'arbre de leur choix.

Les photos
• Une famille se recueille après avoir déposé une urne au pied d'un arbre, à l'automne 2020, dans la forêt cinéraire d'Arbas.
• Une forêt cinéraire en Allemagne